Publié le 08 déc 2022
Temps de lecture : 3 min
Interviews
Publié le 08 déc 2022
Temps de lecture : 3 min
La transformation des métiers vers une approche de dentellier, la recherche de nouveaux gisements de développement, l’émergence de modèles économiques différents… Le zéro artificialisation nette (ZAN) bouleverse le monde de l’aménagement des territoires. Analyse avec Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la Fédération nationale des agences d’urbanisme* (Fnau).
Comment est perçu le zéro artificialisation nette par les professionnels de l’aménagement ?
Brigitte Bariol-Mathais : Les agences d’urbanisme ont travaillé sur le sujet dès les prémisses de la loi climat et résilience qui instaure le zéro artificialisation nette car il est au cœur des préoccupations de beaucoup d’élus. La plupart d’entre eux, ainsi que les aménageurs, adhèrent à l’objectif de sobriété foncière et d’efficience urbaine. Mais ils s’interrogent sur les actions à déployer et la trajectoire à suivre pour l’atteindre.
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Quelle approche doivent adopter les professionnels de l’aménagement pour limiter l’étalement urbain ?
Brigitte Bariol-Mathais : Le législateur a privilégié la planification pour atteindre le zéro artificialisation nette avec une transposition de l’objectif dans les Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), puis une mise en compatibilité des Schémas de cohérence territoriale (SCoT) et enfin des plans locaux d’urbanisme (PLU). Mais ce n’est pas suffisant, notamment parce que la révision de ces documents ne sera effective qu’en 2027 alors que le décompte du ZAN court dès maintenant. L’approche de la planification doit être couplée avec une stratégie opérationnelle à déployer sans attendre pour faire évoluer les modèles d’aménagement vers l’intensification urbaine.
Comment cette approche opérationnelle doit-elle se concrétiser ?
Brigitte Bariol-Mathais : Le fonds lancé par l’État en 2021 et reconduit à deux reprises pour financer le recyclage des friches est une première concrétisation opérationnelle. Un travail de dentelle doit également être mené pour identifier les espaces vacants ou sous-utilisés, puis les optimiser. Ces gisements sont souvent sous-estimés par les collectivités et les acteurs de l’aménagement. La réversibilité doit également être développée pour pouvoir adapter les bâtiments en fonction des évolutions des attentes des usagers dans le temps.
Comment la renaturation s’inscrit-elle dans cette approche ?
Brigitte Bariol-Mathais : C’est une nouvelle dimension qui implique de repenser les modèles économiques des opérations d’aménagement au niveau des charges foncières et d’avoir une approche élargie à l’échelle du territoire, et non projet par projet, pour être efficiente. La Fnau propose l’instauration de contrats de sobriété foncière portés par les collectivités avec l’État, les aménageurs, les grands opérateurs fonciers comme la SNCF ou les universités, ainsi que des acteurs comme Action Logement… Dans une certaine mesure, ces contrats pourraient être comparés aux opérations de revitalisation de territoire (ORT) ou aux déclinaisons du programme Action Cœur de Ville qui ont fait leur preuve.
Justement, dans quels territoires doivent être déployées ces actions ?
Brigitte Bariol-Mathais : Outre les opérations dans les centres-villes des métropoles, les villes de taille intermédiaire et les petites villes, le zéro artificialisation nette constitue une formidable opportunité de transformer le périurbain. Cela implique l’émergence de nouvelles compétences et de nouveaux opérateurs pour travailler sur des parcelles beaucoup plus petites que celles sur lesquelles les aménageurs ont l’habitude de travailler. Il s’agira forcément d’un travail de dentelle, les propriétés étant dispersées. Mais le gisement est là, considérable !
Quel(s) levier(s) faut-il actionner pour rendre les modèles économiques des opérations d’aménagement compatibles avec le zéro artificialisation nette ?
Brigitte Bariol-Mathais : La fiscalité doit évoluer. Des réflexions sont en cours au niveau des parlementaires et du gouvernement pour élargir le dispositif Denormandie (ndlr : une réduction d’impôt est accordée sur le revenu des particuliers achetant un logement à rénover, dans un quartier ancien dégradé, pour le mettre en location), mettre en place des TVA minorées sur les opérations permettant la reconquête urbaine… Des débats auront lieu au Parlement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 mais nous n’en sommes qu’au début des réflexions sur le sujet.
Comment les acteurs de l’aménagement calculeront-ils le niveau d’artificialisation ou de désartificialisation de leurs opérations ?
Brigitte Bariol-Mathais : Un référentiel commun à l’échelle nationale est en cours de développement. Cette démarche, à laquelle la Fnau participe, est pilotée par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et aboutira en 2024. Ce nouveau référentiel devra être interopérable avec les outils de connaissance déjà déployés par les collectivités sur l’occupation des sols. C’est en rassemblant tous les acteurs de l’aménagement y compris les agriculteurs, en constituant un corpus commun et ouvert, et en passant à l’action dès à présent, que nous pourrons relever le défi du ZAN.
* Les agences d’urbanisme sont des outils d’ingénierie partenariale qui rassemblent des collectivités de différentes strates (communes, intercommunalités, conseils régionaux…). Leurs missions consistent à observer et à contribuer aux politiques publiques via les documents de planification, les réflexions sur les stratégies foncières et les projets urbains… Elles sont cinquante et une en France, pilotées par des élus locaux, et emploient 1 700 urbanistes. La Fédération nationale des agences d’urbanisme, présidée par Jean Rottner (président de la Région Grand Est) et Patrice Vergriete (maire de Dunkerque), anime ce réseau.