Olivier de la Roussière : « VINCI Immobilier a divisé par deux l’artificialisation de ses nouvelles opérations depuis 2020 »

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Olivier de la Roussière, président de VINCI Immobilier (©Emmanuel Fradin)

Temps de lecture : 6 min

En janvier 2022, VINCI Immobilier a pris l’engagement d’atteindre le ZAN (zéro artificialisation nette) dès 2030. Soit avec 20 ans d’avance sur l’échéance fixée par la loi Climat et Résilience. Un an plus tard, le promoteur annonce avoir divisé par deux le niveau d’artificialisation de ses nouvelles opérations entre 2020 et 2022. Son président Olivier de la Roussière nous dévoile les moyens mis en œuvre et les prochaines étapes de cette transformation du modèle d’affaires.

Pourquoi cet engagement de VINCI Immobilier à atteindre le ZAN dès 2030 ?

Olivier de la Roussière : L’artificialisation provoque le déclin de la biodiversité, aggrave le réchauffement climatique et cause ou amplifie les inondations. L’arrêter au plus vite est donc un enjeu crucial. En tant que promoteur, nous pouvons avoir un impact direct dans cette démarche et nos premiers résultats sont significatifs : nous avons déjà divisé par deux notre niveau d’artificialisation depuis 2020 (de 13% en 2020 à 6% en 2022), en renonçant aux opérations les plus consommatrices de sols naturels et en progressant fortement sur la part de recyclage urbain (28 opérations de recyclage urbain lancées en 2022). Nous visons la cible de zéro d’ici 2030. Nous avons fait une partie du chemin, mais nous ne crions pas victoire : la trajectoire pour arriver à zéro ne sera pas linéaire et nous savons que les “derniers mètres” seront les plus difficiles.


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Comment applique-t-on le ZAN à l’échelle d’une entreprise ?

Olivier de la Roussière : Le ZAN n’implique pas que nous renoncions à bâtir, mais que nous construisions au maximum sur des zones déjà artificialisées et, le cas échéant, que nous compensions chaque surface artificialisée par la désartificialisation d’une surface équivalente ailleurs, sur une autre opération. En pratique, cela nous amènera à débitumer et débétonner des sols pour les renaturer, sur un nombre toujours plus important de projets. En 2022 par exemple, nous avons lancé 29 opérations avec de la désartificialisation nette, cela représente 40% de nos projets !

L’image d’Épinal des promoteurs va évoluer, en même temps que nos métiers vont se transformer, en intégrant toujours davantage des compétences d’écologues, de paysagistes, etc. Par ailleurs, pour fixer un cap clair pour l’ensemble de l’entreprise, nous avons décidé que les opérations de recyclage urbain représenteraient plus de 50% de notre activité avant 2030. Cet objectif est réaliste, car il existe en France une quantité de terrains ou de bâtiments obsolètes permettant de recycler la ville plutôt que de l’étaler, la notion de friche devant s’entendre au sens large (industrielle, ferroviaire, commerciale, de bureaux, publique, résidentielle, …) en incluant les espaces sous-utilisés.

« Le niveau d’artificialisation de nos projets a reculé à 6 % en 2022 en renonçant aux opérations les plus consommatrices de sols naturels, en lançant 28 opérations de recyclage urbain et en renaturant des sols dans 29 de nos nouveaux projets »

Comment avez-vous décliné cette nouvelle stratégie en 2022 ?

Olivier de la Roussière : En attendant la mise en place d’une unité de mesure de référence, nous avons commencé par créer nos propres indicateurs en 2021, dont le niveau d’artificialisation qui nous permet de comparer l’artificialisation d’un foncier avant et après une opération immobilière. L’addition de cet indicateur pour tous les projets lancés entre janvier et décembre nous donne le niveau d’artificialisation produit par l’entreprise sur une année. Notre ambition est donc d’atteindre un niveau d’artificialisation de 0 en 2030. Ensuite, nous nous sommes fixés une ligne rouge depuis le 1er janvier 2022 : les opérations qui artificialisent plus d’1m2 pour 1m2 construit ne sont plus acceptées en comité foncier.

Y a-t-il eu des exceptions à cette règle ?

Olivier de la Roussière : Les collaborateurs de VINCI Immobilier ont respecté la règle en s’appuyant sur la calculatrice ZAN que nous avons développée en interne. Une opération qui prévoyait la réalisation de logements à la place d’un champ d’oliviers dans le sud de la France a par exemple spontanément été écartée par un de nos développeurs l’an dernier. En parallèle, de nouvelles opérations proches de la limite fixée ont été retravaillées ou bien sont en cours de modification pour la respecter, à l’image d’un projet de maisons individuelles dans la banlieue de Toulouse.

Quel est le bilan 2022 de cette nouvelle stratégie ?

Olivier de la Roussière : Évalué à 13% en 2020, le niveau d’artificialisation de nos projets a reculé à 6% en 2022. Environ la moitié de ce résultat tient au refus des plus mauvaises opérations et une autre partie à un phénomène conjoncturel, les caractéristiques des opérations lancées variant d’une année à l’autre. Nous avons également 28 opérations de recyclage urbain sur les 68 lancées en travaux en 2022. Nous avons ainsi démarré les travaux de l’opération tertiaire WOW dans les anciens Grands Magasins Dufayel rue Clignancourt à Paris, de la future résidence étudiants Student Factory en lieu et place de l’ancienne École nationale supérieure de chimie rue Henri Déglin à Nancy, du projet mixte Evasyon avec une résidence de coliving Bikube à la place d’un bâtiment de bureaux obsolète dans le quartier de la Part-Dieu à Lyon, des 103 logements du Clos du Haras à la Roche-sur-Yon sur un ancien site Engie issu du portefeuille de 50 friches acquis en 2019… Enfin, nous allons renaturer des sols dans 29 nouveaux projets lancés en travaux en 2022. La trajectoire qui nous mènera au ZAN en 2030 ne sera pas linéaire mais VINCI Immobilier a bien amorcé le mouvement.

« En 2022, nous avons revu intégralement nos process, créé des outils de pilotage, avons organisé et animé des ateliers sur le terrain afin de mobiliser nos collaborateurs et de les former au ZAN… »

Quel est l’impact de cette stratégie sur vos marges ?

Olivier de la Roussière : La marge cible de nos opérations n’a pas changé. En revanche, la nature du risque n’est pas la même entre une opération de recyclage urbain et une opération d’extension urbaine. Une opération de recyclage urbain comporte des risques de pollution, des risques liés à la réhabilitation… Cette prise de risque supplémentaire est maîtrisée et relève d’une anticipation lucide des tendances : le foncier disponible va mécaniquement se restreindre à mesure que l’État ou les élus durciront le ton en matière d’artificialisation et nous pensons qu’être les premiers à prendre le virage du ZAN nous donnera un avantage compétitif. Nous avons d’ailleurs obtenu des rendez-vous avec des élus qui sont intéressés par notre positionnement sur le sujet.

Comment équilibrez-vous financièrement les opérations de recyclage urbain ?

Olivier de la Roussière : Nous pouvons mettre en place des péréquations financières. C’est ce que nous avons fait dans le cadre de l’accord noué avec Engie en 2019 en partenariat avec Brownfields. Nous leur avons acheté 50 terrains pollués, certains ayant une valeur négative et d’autres une valeur positive. Le fait d’acheter en portefeuille permet de rendre l’opération intéressante car les fonciers qui ont de la valeur compensent ceux qui n’en ont pas. La péréquation est une solution créative qui est tout sauf anecdotique : c’est une nouvelle façon de faire notre métier en travaillant avec des grands acteurs qui cherchent à se séparer de terrains peu valorisés. Dans certains cas où le marché foncier est suffisamment élevé, réhabiliter une friche en mauvais état permet de trouver un prix d’acquisition du site qui rend viable l’opération. Cela a été le cas pour la reconversion de l’ancien stade du Ray à Nice en programme de logements, de commerces, et de grand parc public. Dans d’autres cas, nous parvenons à un équilibre grâce à des subventions, comme c’est le cas par exemple avec le fonds friche (qui finance des opérations de recyclage des friches et plus généralement de foncier déjà artificialisé).

Quel est l’impact de cette stratégie sur l’organisation interne de VINCI Immobilier ?

Olivier de la Roussière : L’objectif ZAN 2030 n’est pas un simple volet de notre action environnementale, c’est le cœur de notre stratégie d’entreprise. En interne, cette ambition crée une dynamique très positive et un sentiment de fierté. Nous avons commencé à décliner cette stratégie au niveau local il y a 18 mois avec chaque direction territoriale, pour déterminer les objectifs et la feuille de route à élaborer pour lancer la dynamique, sachant qu’elles ne partaient pas de zéro comme le démontrent les opérations du village des athlètes à Saint-Denis, du Hangar Y à Meudon, des anciennes Galeries Lafayette à Lille, de Nuances à Toulouse… En 2022, nous avons revu intégralement nos process, créé des outils de pilotage, avons organisé et animé des ateliers sur le terrain afin de mobiliser nos collaborateurs et de les former au ZAN… Nous avons également mis en place un système de primes pour les encourager à développer le recyclage urbain et favoriser leur montée en compétence. Chaque direction territoriale doit faire une partie de son chiffre d’affaires annuel en maîtrise foncière grâce au recyclage urbain. Tous les développeurs qui ont contribué à l’atteinte de l’objectif reçoive une prime individuelle.

« Nous poursuivons la transformation de notre modèle d’affaires avec la composition d’un groupe de travail interne sur notre démarche environnementale, dans le cadre de l’élaboration de notre nouveau plan stratégique, en mettant à jour les feuilles de route des directions territoriales, en proposant des formations sur la réhabilitation… »

Et dans quelle mesure accompagnez-vous la montée en compétence du secteur de la fabrique de la ville sur le sujet de la désartificialisation ?

Olivier de la Roussière : Nous travaillons avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) pour la création d’une unité de mesure de référence définissant le niveau d’artificialisation d’un foncier. Nous sommes également parrains d’un groupe de travail sur le ZAN au sein du programme BIG (Biodiversity Impulsion Group) de l’Observatoire de l’Immobilier Durable afin de partager notre expertise avec les acteurs du secteur immobilier. En parallèle, nous nous enrichissons de tous les travaux d’experts sur le sujet ZAN et la ville de demain comme ceux, notamment, de la Fabrique de la Cité.

En 2023 quelles seront les prochaines grandes étapes du cheminement de VINCI Immobilier vers le ZAN ?

Olivier de la Roussière : Nous poursuivons la transformation de notre modèle d’affaires avec la composition d’un groupe de travail interne sur notre démarche environnementale, dans le cadre de l’élaboration de notre nouveau plan stratégique, en mettant à jour les feuilles de route des directions territoriales, en proposant des formations sur la réhabilitation… Nous nous doterons en parallèle de nouvelles expertises, dans le prolongement du recrutement en 2022 d’une experte de la dépollution. Grâce à cette nouvelle compétence en interne, les collaborateurs de VINCI Immobilier sont en mesure d’étudier davantage de friches avec des problématiques complexes de dépollution pour réaliser des projets de recyclage urbain.