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Publié le 18 août 2022
Temps de lecture : 4 min
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Publié le 18 août 2022
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Urbaniste et co-auteur de « Réparons la ville », Sylvain Grisot livre sa vision du recyclage urbain : comment résoudre l’équation du logement à l’heure de la lutte contre l’expansion urbaine ? Comment construire une ville réparable ? Éléments de réponse.
Vous venez de publier avec Christine Leconte « Réparons la ville ! » : selon vous, en quoi la ville est-elle « cassée » ?
Sylvain Grisot : L’objet de cet ouvrage n’est pas tant de dire que la ville est « cassée », que de signifier qu’il faut la traiter différemment. Aujourd’hui, nous avons encore trop tendance à nous comporter comme des enfants : si cela ne nous convient pas, on jette. On consomme, et on jette ! D’un côté, il y a des biens immobiliers standardisés qui sont conçus avec une part d’obsolescence programmée, et de l’autre, une demande de neuf avec tout ce qu’elle implique en termes de consommation de matières premières, d’émission carbone, de consommation de foncier. Et notre époque nous le rappelle : qu’il s’agisse de matières premières minérales, énergétiques ou foncières, les ressources nous manquent. Le problème, c’est que l’on ne construit pas une ville réparable, mais une ville jetable. Certes, elle est très performante (en termes d’accès aux services par exemple) et répond à nos besoins d’aujourd’hui. Mais répond-elle à ceux de demain ?
« Le problème, c’est que l’on ne construit pas une ville réparable, mais une ville jetable »
Comment l’objectif de zéro artificialisation nette s’inscrit-il dans ce processus de « réparation » ?
Sylvain Grisot : Il y a une vraie confusion lorsque l’on parle de « zéro artificialisation nette », car cela englobe des choses différentes – certes liées – qu’il faut dissocier. D’un côté, il y a l’avancée de la ville sur les espaces naturels, agricoles et forestiers qui induit un changement d’usage des sols, une sur-mobilité automobile et des effets sociaux marquants liés notamment aux coûts du carburant ou à l’accès aux services publics. Le deuxième phénomène, c’est la minéralisation de la ville, et le fait d’imperméabiliser les sols pour les eaux pluviales. Nous avons créé des zones favorables aux inondations, aux îlots de chaleur urbains, et le résultat, c’est une ville pas très sympathique à vivre, qui manque d’espaces de jeux, de nature, d’espaces de liberté.
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Alors, que faire ?
Sylvain Grisot : Je dirais tout d’abord que les effets précités ne sont pas tant des problèmes que des symptômes structurels, systémiques. En effet, depuis une cinquantaine d’années, la fabrique de la ville concentre l’essentiel de ses efforts sur les grandes opérations en neuf, en périphérie, ainsi que sur de grandes opérations de renouvellement urbain dans une poignée de métropoles. Il ne suffit pas de dire qu’il faut « changer de braquet » et éviter de consommer du sol, il faut de véritables alternatives. Dans mon premier livre « Manifeste pour un urbanisme circulaire », je proposais quatre périmètres permettant de ne pas empiéter sur les espaces naturels et agricoles : l’intensification, la réparation et la transformation de l’existant, la densification de la ville et le recyclage des friches.
Le potentiel d’urbanité se situerait donc déjà en ville : comment jugez-vous ce potentiel de réhabilitation, de densification sur notre territoire ?
Sylvain Grisot : Le potentiel est immense. Un recensement récent des friches en Île-de-France listait plus de 4000 hectares de friches. Cela nous donne deux indications. Déjà, que nous n’avions pas accès à cette information cruciale jusqu’alors. Ensuite, que l’on dispose de beaucoup de place, dans un territoire très tendu. Mais la plupart du temps on ne regarde pas ces friches. Pourtant ce sont des ensembles bien dimensionnés, dont l’usage reste à inventer. Demain, il va falloir faire la ville par « petites touches », avec ici dix logements, ici une trentaine … Il y a toutes ces friches recensées aujourd’hui, et toutes ces friches de demain, les friches commerciales ou tertiaires, qui n’ont pas encore atteint cet état mais dont la modification des usages fera perdre l’utilité.
« Ce qui caractérise un logement de qualité, avant même le prix, le calme et l’accès aux espaces extérieurs, c’est la proximité avec les aménités urbaines »
La densification peut faire peur : quelles seront justement les clés pour rendre la ville dense désirable ?
Sylvain Grisot : Ce que l’on voit, c’est qu’il y a une appétence des Français pour la proximité avec les aménités urbaines. Ce qui caractérise un logement de qualité, avant même le prix, le calme et l’accès aux espaces extérieurs, c’est cette proximité. C’est d’ailleurs en soi une bonne définition de ce qu’est la ville – qui n’est pas forcément la capitale – cette possibilité de se rendre aisément dans les commerces, au travail, à l’école. Il va falloir densifier certains secteurs, mais densifier dans la plupart des cas en France n’est pas un problème. Venir construire une maison en plus dans un lotissement qui en compte déjà cinquante, cela doit pouvoir se gérer, se penser et s’accompagner sans traumatisme. Est-il pour autant nécessaire de densifier la ville dense ? Pas toujours. La vraie question c’est « pourquoi est-ce que l’on construit ? » et d’être capable de l’expliquer, de le justifier. La densification du bâti doit être accompagnée d’un déploiement végétal. Et pas pour faire de la décoration ! Mais de profiter de la densification pour transformer et adapter l’espace public, et avoir une discussion à l’échelle du quartier sur la nécessité de construire. Il faut donc repenser complètement le rôle de chacun, du promoteur, de l’architecte, du citoyen et de l’élu, dont la fonction doit être d’animer le débat local.
Quels sont les avantages des friches pour construire la ville de demain, en quoi est-ce un bon « terrain de jeu » ?
Sylvain Grisot : L’avantage de ces friches, c’est qu’elles permettent aux professionnels de retrouver de l’espace, des échelles qui permettent d’industrialiser la production et de trouver des alternatives à l’expansion urbaine sur des terres agricoles. Attention cependant, car une part importante des friches industrielles notamment sont mal placées, pas repérées, et situées dans des territoires détendus. Mais la ville du futur est déjà devant nous : nous avons déjà construit 80% de la ville de 2050. L’effort à mettre en place aujourd’hui doit se porter sur la reconfiguration d’espaces urbains. Si 80% de la ville de 2050 est déjà là, il nous faut l’amener au niveau environnemental requis pour 2050, à savoir atteindre un objectif de 95% de décarbonation du secteur. Il va donc falloir faire des bâtiments passifs dans les friches – ce sont les 20% – et traiter les 80% de bâtiments qui sont déjà là, en leur donnant une véritable deuxième vie, en conservant tout ce qui peut l’être.