Publié le 24 juin 2024
Temps de lecture : 5 min
Tendances
Publié le 24 juin 2024
Temps de lecture : 5 min
Alors que l’accélération de la transformation de bureaux en logements était un des piliers du choc d’offre voulu par le gouvernement de Gabriel Attal pour le résidentiel, Patrick Supiot et Fabrice Allouche analysent les freins auxquels les professionnels sont confrontés et partagent leurs idées pour les lever.
Les informations clés
« Nous irons chercher tous les logements possibles avec les dents pour les Français ». Pour joindre les actes à la parole prononcée le 14 février à Villejuif, le Premier ministre Gabriel Attal avait fait de la transformation de bureaux en logements un sujet prioritaire alors que le gouvernement estime le stock d’immeubles tertiaires vacants à 4,5 millions de m2 en Île-de-France. Une proposition de loi a ainsi été déposée par le député Romain Daubié pour faciliter ces opérations, les transformations autorisées entre 2013 et 2021 en France ayant permis de créer seulement 2 000 logements par an d’après CBRE.
Adopté en première lecture par l’Assemblée nationale au mois de mars puis élargi à d’autres constructions comme les garages ou les bâtiments d’enseignement par le Sénat en mai, le texte législatif prévoit notamment l’instauration d’une dérogation avec l’accord du conseil municipal pour autoriser ces opérations même lorsque le plan local d’urbanisme ne le permet pas, et l’assujettissement des opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d’aménagement. « Ces mesures vont aider mais elles sont loin de lever tous les freins qui empêchent l’accélération de la transformation des bureaux en logements », commente Patrick Supiot, directeur général immobilier d’entreprise, commercial et aménagement de VINCI Immobilier. Des freins de différentes natures.
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Premier point d’achoppement : l’équilibre économique des opérations de transformation de bureaux en logements. « Nous étudions souvent des immeubles tertiaires qui pourraient être convertis en résidentiel mais l’addition de leur valeur patrimoniale et des couts techniques de transformation ne permet pas de monter une opération avec des prix de sortie cohérents en rapport au marché », développe Patrick Supiot. Les coûts techniques étant incompressibles, l’équation ne pourrait fonctionner que pour des valeurs d’immeuble plus faibles. « Cela arrivera pour certains actifs qui resteront vides longtemps, occasionnant des coûts de portage de plus en plus importants pour leurs propriétaires », analyse Fabrice Allouche, président de CBRE France. Deuxième écueil : leurs localisations ne permettront pas forcément de les transformer en logements.
« Les immeubles qui ne trouvent plus preneur sont en grande majorité situés dans des environnements tertiaires loin des quartiers attractifs, où personne ne souhaite venir habiter », explique Patrick Supiot. Et les collectivités ne sont pas toujours favorables à ces opérations de transformation. « Créer des logements s’inscrit dans un projet plus vaste de réécriture de la ville avec la construction d’une nouvelle école, l’augmentation du nombre de places en crèches… Mais beaucoup de collectivités locales n’ont pas les fonds nécessaires pour financer ces équipements, détaille Fabrice Allouche. Appliquer la taxe d’aménagement aux opérations de transformation de bureaux en logements ajouterait une ligne supplémentaire à l’équation économique de ces opérations. L’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise en Ile-de-France (ORIE) avait proposé au contraire de suspendre la taxe annuelle sur les bureaux dans la région capitale si ces derniers sont vides et que la mairie refuse une opération visant à les transformer en logements. » Les acteurs de la fabrique de la ville ne manquent en effet pas d’idées pour lever les différents freins.
« Un dispositif de défiscalisation pour les acquéreurs de logements issus d’une opération de transformation de bureaux pourrait aider à trouver un meilleur point d’équilibre économique, propose Patrick Supiot. Nous pourrions en effet envisager dans ce cas un prix d’achat de l’immeuble de bureaux moins décoté. » Autre piste identifiée : la création d’un prêt à taux zéro pour le portage de l’opération jusqu’au démarrage des travaux. Un dispositif qui rapprocherait les attentes du propriétaire de l’immeuble et celles du développeur. Le premier accepterait plus facilement une décote avec la perspective de percevoir le produit de la vente de son actif rapidement et le second minimiserait les risques lors du montage du projet.
La transformation d’un bâtiment existant ne modifiant pas la physionomie du quartier à la différence de la construction d’un nouvel immeuble, les procédures d’instruction par la collectivité locale pourraient en parallèle être accélérées dans ces opérations de conversion. « Des structures de défaisance associant acteurs privés et publics seraient également pertinentes, imagine Fabrice Allouche. Elle permettrait de mettre en place des fonds portant les bâtiments et de trouver des solutions collectives sur des territoires élargis. » Et le président de CBRE France de compléter : « Mais la meilleure idée qu’on ait eue, ça reste la mixité sociale dans les immeubles de logements ».
« En étudiant une opération de transformation sous différents angles et pas seulement sous le prisme du logement, nous arrivons plus facilement à trouver un équilibre économique et à répondre aux préoccupations des élus, souligne Patrick Supiot. Par exemple, une collectivité acceptera mieux un projet mêlant 60 logements, des commerces et un hôtel ou une résidence gérée plutôt qu’une copropriété de 150 logements car il apportera de nouveaux équipements pour la ville et favorisera la mixité sociale. Cela fait partie de la valeur ajoutée d’un promoteur ensemblier comme VINCI Immobilier. »
Autre atout et non des moindres, les résidences étudiants et seniors ont également pour vertu de faciliter la transformation des immeubles de bureaux grâce à la plus grande régularité de leurs trames. Les créations de la résidence seniors Ovelia des Arches de la Montat dans les anciens bureaux de Casino à Saint-Etienne et de celle du Courtille-Sainte-Marthe dans une ancienne clinique à Dijon en sont de bonnes illustrations.
La réversibilité des bâtiments, une solution pour après-demain
Et si la transformation de bureaux en logements s’anticipait ? S’inspirant de ce qui a été fait en Seine-Saint-Denis pour le village des athlètes, développé en partie par VINCI Immobilier et qui sera transformé en logements après les compétitions de l’été 2024, la proposition de loi du député Romain Daubié intègre la création d’un permis de construire réversible. « C’est une disposition intéressante mais elle ne résout pas notre problème immédiat d’accélération de la transformation de bureaux en logements, réagit Patrick Supiot. Un investisseur qui acquiert un immeuble tertiaire aujourd’hui n’envisage de le convertir en ensemble résidentiel dès demain. Il va s’en préoccuper pour après-demain, dans une logique durable de long terme. Ce principe d’évolutivité de la destination a d’ailleurs été intégré dans notre démarche The Better Way qui répond à la fois aux préoccupations de demain en permettant de faire muter les espaces et d’après-demain en facilitant la réversibilité des bâtiments. »