Publié le 29 nov 2022
Temps de lecture : 5 min
Interviews
Publié le 29 nov 2022
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Pour assurer la gestion et la valorisation de ses biens immobiliers, la SNCF a créé en 2015 « SNCF Immobilier ». Une entité qui s’est notamment distinguée au cours des sept dernières années en recyclant des friches ferroviaires via l’urbanisme transitoire et l’aménagement de nouveaux quartiers. Katayoune Panahi, directrice générale de SNCF Immobilier, dresse le bilan et dévoile les perspectives de l’entreprise sur ce sujet.
Êtes-vous en mesure d’estimer le volume de friches dont dispose la SNCF ?
Katayoune Panahi : Nous gérons 20 000 hectares de foncier dont une grande partie est occupée par des entités du groupe SNCF. Nous incitons ces structures à rationaliser leurs installations au plus juste par rapport à leurs besoins. En relocalisant et en réalisant des travaux de libération-reconstitution, nous libérons des emprises. Aujourd’hui, nous disposons de 3 000 hectares de foncier urbanisable en France métropolitaine.
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En 2015, la SNCF s’est notamment fixée pour objectif de recycler ses friches. Quel est le bilan 7 ans plus tard ?
Katayoune Panahi : Les fonciers qui n’ont plus d’utilités ferroviaires ont trois destinations possibles.
Soit nous les aménageons et les louons. Actuellement, nous avons 3,4 millions de m2 de terrains et de bâtiments qui sont loués à plus de 10 000 entreprises.
Autre option, nous créons de nouveaux quartiers qui répondent aux enjeux urbains actuels, notamment celui du défi climatique. Nous avons ainsi aménagé le quartier de Chapelle International à Paris 18e (N.B : la Ville de Paris, la Mairie du 18e arrondissement de Paris, SNCF Immobilier, Espaces Ferroviaires, ICF Habitat La Sablière VINCI Immobilier, Legendre Immobilier, la RIVP et Hénéo ont inauguré le 19 novembre 2022 les principaux aménagements et programmes immobiliers du quartier), nous travaillons actuellement sur le projet Jardin des Mécanos au niveau du site Ordener-Poissonniers dans la capitale, requalifions Les Messageries près de la Gare de Lyon dans le 12e arrondissement… Nous intervenons également en province et sur des emprises plus modestes. Nous avons signé, par exemple, en juillet dernier un protocole foncier avec Grand Soissons Agglomération afin de requalifier le quartier de la gare de Soissons dans l’Aisne. Sur ce foncier seront créés des logements, des commerces mais aussi un pôle d’échanges multimodal avec notamment un parking pour les voitures afin de faciliter l’accès des habitants du tissu périurbain de l’agglomération au train. Nous déployons systématiquement cette dimension dans nos projets d’aménagement pour contribuer à l’objectif du groupe SNCF de doubler la part des voyageurs en train durant la décennie 2030 et ainsi participer activement à la transition climatique, un trajet ferroviaire émettant 50 fois moins de CO2 par personne qu’un déplacement en voiture.
Quelle est la troisième destination possible des friches traitées par SNCF Immobilier ?
Katayoune Panahi : Nous pouvons déployer des solutions d’urbanisme transitoire. Depuis 2015, plus de 4 millions de visiteurs ont été accueillis sur une quarantaine de sites parmi lesquels l’Aérosol sur le site d’Hébert dans le 18e arrondissement de la capitale, il y a quelques années, et plus récemment le TLM rue Curial à Paris 19e, le Quartier Libre à Rouen près de la gare Saint-Sever… Plusieurs années étant nécessaires entre le moment où nous entamons les réflexions pour reconvertir les friches et celui où les projets aboutissent, l’urbanisme transitoire permet d’intensifier les usages et de préfigurer la future programmation.
SNCF Immobilier a été précurseur dans cette démarche et nous avons ainsi pu innover avec des acteurs émergents de l’économie sociale et solidaire, accompagner les collectivités dans la transformation de leurs territoires et concrétiser nos engagements dans le réemploi des bâtiments et la sobriété foncière. Aujourd’hui, le modèle évolue. Nous parlons de plus en plus d’urbanisme de transition car ce n’est pas une démarche éphémère. Les conventions d’occupation s’allongent, ce qui permet aux porteurs de projets de trouver plus facilement un modèle économique, et de nouvelles méthodes sont testées. Par exemple, nous nous sommes associés à « la Preuve par 7 » pour imaginer la nouvelle vie de l’ancienne gare de Lunel, près de Montpellier, avec les habitants. Une permanence architecturale a ainsi été ouverte dans le bâtiment afin de tester différents usages avec les riverains pour trouver la programmation finale.
Quels outils et méthodes avez-vous développé pour lancer le recyclage des friches à grande échelle ?
Katayoune Panahi : Chaque foncier ferroviaire a son histoire et chaque collectivité a sa propre vision urbaine. Notre travail consiste à faire converger ces aspects. Cela prend du temps et il est difficile de recycler des friches ferroviaires à grande échelle. Cela reste néanmoins possible sur certains fonciers, comme par exemple les délaissés enclavés entre des faisceaux ferroviaires parfaitement adaptés pour développer les centrales photovoltaïques tellement nécessaires aujourd’hui pour gagner en indépendance énergétique et décarboner notre économie. Ainsi, nous avons inauguré à l’été 2021 une centrale solaire sur une parcelle de la gare de triage du Mans qui nous permet de produire 11 400 MWh d’électricité par an, soit la consommation de 4 500 foyers. Il nous a fallu six ans pour mener à bien ce programme. Nous avons l’ambition de concrétiser plus de projets de ce type pour contribuer à la transition énergétique du pays. Le projet de loi relative aux énergies renouvelables devrait nous aider en ce sens.
Justement, quels sont les principaux freins auxquels vous êtes confrontés pour recycler des friches ?
Katayoune Panahi : Depuis plusieurs années, les villes ont de nouveaux défis à relever pour réussir leurs transitions énergétique, climatique, sociale… Les acteurs de la fabrique de la ville se retrouvent confrontés à des injonctions contradictoires. Les pouvoirs publics nous demandent de réaliser des logements, notamment sociaux, en quantité pour enrayer la crise résidentielle tout en développant un maximum d’espaces verts en pleine terre afin de créer des îlots de fraicheur urbains. Cela complexifie l’équation pour atteindre l’équilibre économique. Je milite donc fortement pour une évolution du modèle de valorisation foncière afin de pouvoir y intégrer la création de valeur environnementale et sociale. Cela faciliterait les négociations avec toutes les parties prenantes des projets et nous ferait gagner un temps précieux pour concrétiser les projets.
Quel est l’impact du zéro artificialisation nette sur votre stratégie de recyclage des friches ?
Katayoune Panahi : Nos fonciers sont déjà artificialisés et nous en désimperméabilisons une partie quand nous intervenons. Ce sont donc des leviers pour atteindre les objectifs du ZAN, ce qui a positionné SNCF Immobilier comme précurseur sur le sujet dès 2015. La loi climat et résilience n’a fait que renforcer notre responsabilité environnementale. Nous devons donc accélérer la transformation de nos friches ferroviaires, ce qui sera uniquement possible grâce à une transformation rapide du modèle de valorisation foncière.