Jean-Philippe Dugoin-Clément : « Notre logement est constitutif de qui nous sommes »

Jean-Philippe Dugoin-Clement Logement

Jean-Philippe Dugoin-Clément (©JPDC)

Temps de lecture : 3 min

Il n’y a plus de maires bâtisseurs ? Nous en avons rencontré un. Jean-Philippe Dugoin Clément, maire de Mennecy, vice-président de la Région Ile-de-France chargé du Logement, de l’Aménagement durable du territoire et du SDRIFE. Auteur du livre ‘L’habitat fait le citoyen’, il a fait du logement son combat et répond à nos questions.

Pourquoi vous êtes-vous engagé ces dernières années pour réhabiliter la figure du « maire bâtisseur » ? 

Nous sommes dans un pays qui connaît depuis quelques années déjà une importante crise du logement, c’est-à-dire une insuffisance du nombre de logements pour répondre à la demande de nos concitoyens, avec des disparités régionales très fortes. Et la région dans laquelle je suis élu, l’Ile-de-France, est l’une de celles où la tension sur le logement est la plus élevée. Ensuite, c’est une conviction. Le logement où l’on vit est un déterminant de qui nous sommes. Le logement au sens large, c’est le premier poste de dépense captive des Français car il a augmenté beaucoup plus vite que les revenus au cours des trois dernières décennies. C’est devenu un facteur social discriminant

Selon la typologie de votre logement, selon la ville ou le quartier où vous habitez, vous n’avez pas le même accès à la culture, aux services publics, au travail, vos enfants n’ont pas les mêmes chances de réussite. Et donc le logement, c’est un des éléments majeurs de ce que la puissance publique peut apporter sur la construction de qui nous sommes individuellement et collectivement.


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Vous êtes maire de la ville de Mennecy, quelle est la situation du logement ?

Lorsque j’ai été élu maire, la ville était carencée en logements sociaux. En 13 ans, nous sommes passés de 15 à 23,5% de logements sociaux dans notre parc. En 2026, nous aurons atteint les 25%. Donc c’est aussi répondre à une obligation légale et morale d’arriver à loger des familles qui sont dans des situations indignes. Il y a 4 millions de mal-logés en France, 1,3 millions en Île-de-France, c’est plus de 10% de la population. On ne peut pas s’en satisfaire.

Dans votre commune, comment les projets de logements ont-ils été acceptés ?

Nous travaillons pour rattraper notre retard sur les logements sociaux mais nous n’avons jamais construit 100% de logements sociaux. Nous sommes toujours allés sur 30 à 40% pour créer de la mixité. Par ailleurs, nous essayons d’avoir aussi des commerces, des services publics… Nous sommes en tension permanente sur l’investissement pour rénover les écoles, les équipements sportifs, les équipements culturels… Il y a certes eu une augmentation de population, mais accompagnée de nouveaux services. Et puis nous avions la chance d’avoir des friches sur lesquelles nous avons mené les principales opérations : à la place d’une ancienne papeterie, d’une maison de retraite abandonnée et de deux casses automobiles.

Que vous disent les autres maires que vous rencontrez sur la question du logement ? Y’a-t-il des craintes à construire ?

Il n’y a jamais eu autant de craintes qu’aujourd’hui. Il y a dix ans, des clubs de maires bâtisseurs existaient. Aujourd’hui, lorsqu’un maire construit, il est traité de maire bétonneur. La réalité c’est qu’il n’y a eu aucune pédagogie sur la transition environnementale. Beaucoup ont compris que ‘zéro artificialisation net’ signifiait ‘zéro construction net’. Mais parler de la décarbonation de l’économie, de la lutte contre la production de CO2, ça ne veut pas dire ne plus construire, ça veut dire construire différemment ! Le ZAN, c’est retravailler sur des enveloppes urbaines existantes. Il y a une incompréhension assez forte qui a tendance à servir d’alibi ou d’excuse à tous les égoïsmes. Pendant des décennies, le fait de construire, c’était accueillir de nouveaux habitants, générant de nouvelles recettes qui permettaient de financer de nouveaux services publics. Aujourd’hui cet équilibre financier n’existe plus. Donc on n’a jamais eu autant de maires qui aient les deux pieds sur le frein pour ralentir la construction.

Quel est le rôle de l’État pour encourager la construction ?

Il faut qu’on se donne les moyens de garantir un minimum de service public régalien dans les communes qui accueillent de nouveaux habitants. On ne peut pas dire « il faut construire dans votre commune » lorsque qu’il y a des classes sans enseignant le jour de la rentrée, lorsque les médecins traitants ne prennent plus de patients…

Dans une région déjà assez dense comme l’Ile-de-France, comment construire plus et rendre acceptables de nouveaux projets ?

Je pense que la Région Ile-de-France est la plus vertueuse d’Europe. C’est moins de 5% du territoire français pour 18% de sa population et 31% du PIB. C’est aussi une région qui a une intensité urbaine extrêmement forte parce qu’elle reste agricole et rurale. Nous avons 75% d’espaces naturels, agricoles et forestiers en Ile-de-France. Nous devons continuer à construire parce qu’il y a 50.000 Franciliens de plus chaque année. Mais l’extension urbaine doit devenir l’exception. Nous devons travailler sur la recomposition du bâti : partir à la reconquête des friches, réaménager des zones d’activité, créer de la mixité dans les blocs monolithiques de commerces, en général en sous densité totale. Il y a plus de 4.000 hectares de friches dans la région. Il y a de quoi faire.