https://www.youtube.com/watch?v=dYAVaKBW2Js
Publié le 25 mar 2024
Temps de lecture : 2 min
Une friche, une histoire
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Publié le 25 mar 2024
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La friche SNCF de la place Carnot à Rouen a repris vie depuis huit ans grâce à l’urbanisme transitoire. Et elle doit accueillir à horizon 2035 une nouvelle gare dans le cadre de la réalisation de la Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN). Un projet ferroviaire qui accélérerait la transformation du quartier Saint-Sever et de la rive gauche de la ville.
Les informations clés
Pour de nombreux habitants et touristes, la gare de voyageurs de Rouen se situe sur la rive droite de la ville traversée par la Seine. Pourtant, il n’en a pas été toujours ainsi. La première gare ferroviaire de la capitale de la Normandie a en effet été construite dans le quartier Saint-Sever en 1843, sur la rive gauche, et servait de terminus à la ligne Paris-Rouen.
Quelques années plus tard, la ligne est poursuivie jusqu’au Havre. Pour la desservir, une autre gare est construite sur la rive droite et mise en service en 1847. Cette dernière va rapidement supplanter celle de Saint-Sever en matière de trafic voyageurs. La Seconde Guerre Mondiale sonne son glas : la gare de Rouen-Saint-Sever est rasée. Elle ne sera jamais reconstruite, son flux voyageur étant reporté sur la gare de la rive droite.
L’emprise de Saint-Sever devient d’abord une petite halte pour accueillir les trains, en provenance notamment d’Elbeuf, jusqu’à fermeture des lignes en 1960. Des usages annexes persistent quelque temps, comme les entreprises de logistique et de stationnement pour les bus Veolia. Une gare de marchandises exploitée par le Sernam (Service national des messageries) reste quant à elle active jusqu’aux années 2000. Cette grande halle constituée de trois voutes en béton monumentales se transforme ensuite en friche SNCF. Jusqu’à ce que l’urbanisme transitoire lui redonne vie.
En 2016, le collectif Lucien, association créée par des étudiants en architecture, cherche un lieu pour expérimenter un festival pluridisciplinaire (musique, art, performances, sport) baptisé « (Parenthèse) ». Ils tombent amoureux de cette immense friche oubliée de 15 hectares, car invisible depuis la rue. En parallèle, la SNCF, propriétaire de l’emprise, réfléchit à ouvrir et valoriser son patrimoine. Les planètes s’alignent : la Société nationale des chemins de fer signe, avec l’accord de la ville, une convention d’occupation d’un mois pour 500 m2 avec le collectif Lucien.
L’expérimentation est un succès, le festival étant reconduit à trois reprises sur le site. En 2018, l’événement se tient pendant six week-ends consécutifs et rassemble 21 000 personnes. L’année suivante, il change de dimension et devient « La Friche Lucien », un village éphémère de 3 800 m2 comprenant bar, agora, marché des créateurs avec une multitude d’activités en partie gratuites. Le lieu est alors ouvert pendant six mois, nécessitant d’être démonté puis remonté chaque année.
Nouveau virage en 2021 : l’association devenue la SCOP (Société Coopérative de Production) « Atelier Lucien » remporte un appel à projet lancé par la SNCF afin d’occuper, sur le même site, un terrain de 8 000 m2 pour une durée de dix ans. Baptisé « Le Quartier Libre de Rouen », le lieu propose depuis 2022 cinq bars, un restaurant, deux comptoirs street food et dix boutiques. Une offre qui attire environ 120 000 visiteurs chaque année. « Au début, nous ne touchions que les gens qui nous ressemblaient, explique Simon Ugolin, co-fondateur de l’Atelier. Aujourd’hui, notre public est beaucoup plus mixte. Par exemple, des enfants comme des personnes âgées viennent cultiver une parcelle du jardin partagé. Il était important pour nous de ne pas devenir simplement une annexe où les habitants de la rive droite viendraient pour se détendre mais bien de recréer un lieu de vie au cœur de la rive gauche, s’appuyant sur l’identité forte de ce quartier, mixte et multiculturel. » Un moyen aussi de préfigurer la mue du site et du quartier.
Dans les années 2000, face à la saturation du nœud ferroviaire (une portion de réseau ferré où convergent plusieurs lignes de chemin de fer) au niveau de l’unique gare de voyageurs de la rive droite, un projet d’une seconde gare à Rouen émerge. Il est alors question de trouver un site pour développer le réseau ferroviaire ainsi qu’un quartier à vocation tertiaire. Le choix se porte en 2010 sur l’ancienne gare de Rouen-Saint-Sever. S’en suivent treize ans de réunions, de comités, de concertations et d’études de faisabilité entravées par les difficultés à financer le projet (plus d’un milliard d’euros pour la future gare), les incertitudes sur la réalisation de la future ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) qui desservira la gare, par la réforme de la SNCF ou encore par la crise sanitaire.
Début 2023, un accord entre l’État, les régions Normandie et Île-de-France, le département de la Seine-Maritime et les collectivités de Rouen, de Caen et du Havre confirme, pour de bon, la création « d’une gare d’agglomération capable de répondre à l’augmentation des besoins de mobilités, d’accueillir toutes les dessertes de la ligne nouvelle, des liaisons régionales et périurbaines » sur le site de Saint-Sever. Elle servira de complément à la gare de la rive droite et s’accompagnera d’un quartier mixte.
À la fois projet de développement et de renouvellement urbain, Saint-Sever Nouvelle Gare associera des bureaux, des logements, des commerces et des équipements dans le tissu urbain. L’actuel quartier Saint-Sever représente aujourd’hui le premier pôle d’affaires rouennais avec plus de 18 000 emplois, 2 500 entreprises (dont la MATMUT, le siège régional d’EDF, Habitat 76, la direction financière de la Banque Postale, BNP Paribas) réparties sur 300 000 m² de bureaux, sans oublier plus de 12 000 habitants selon BNP Paribas Real Estate.
« L’idée n’est pas juste de construire un morceau de ville mais d’améliorer le quartier progressivement, précise Aude Peyralbes, responsable du projet urbain Saint-Sever Nouvelle Gare à la Métropole Rouen Normandie. Il faut continuer à redonner de l’attractivité à ce quartier de la rive gauche en permettant aux Rouennais de redécouvrir et de se réapproprier le site, car beaucoup de gens ne le connaissaient pas, ou le trouvaient trop excentré. » En parallèle, les entrepôts du Sernam sont progressivement détruits par SNCF Immobilier et SNCF Réseau poursuit ses études en vue d’une mise en service de la seconde gare à horizon 2035. Quant à la programmation précise des nouveaux immeubles, elle sera affinée dans les prochaines années.
Reste toutefois un certain nombre d’obstacles à surmonter. La Région Île-de-France s’opposait notamment à la réalisation de la future ligne nouvelle Paris-Normandie qui devra desservir la gare et donc irriguer le quartier. Principale raison avancée ? Le projet consommerait 280 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers en Ile-de-France selon Valérie Pécresse, présidente de la Région capitale. Cette dernière a finalement annoncé mi-mars 2024 son adhésion au projet après avoir trouvé un accord avec l’État. Un nouveau jalon dans le long cheminement vers la renaissance de la friche SNCF Saint-Sever et de son quartier.