Publié le 13 déc 2024
Temps de lecture : 3 min
Tendances
Publié le 13 déc 2024
Temps de lecture : 3 min
Depuis la crise sanitaire, la conception de logements bénéficie d’un regain d’intérêt de la part des acteurs de l’immobilier avec de nombreux projets innovants qui ont vu le jour. Assiste-t-on à une réinvention de l’habitat ? Explications avec Emmanuel Person, architecte et dirigeant de l’atelier d’architecture Brenac & Gonzalez & Associés.
Les informations clés
Selon l’USH (Union sociale pour l’habitat), il faudrait faire sortir de terre au moins 500 000 logements tous les ans pour répondre aux besoins des populations, soit nettement plus que ce qui est proposé. Si on caricature, à partir des années 2000, pour répondre à cette carence importante, le processus de conception des logements est passé au second plan afin de construire plus de mètres carrés. Ainsi, en grossissant le trait, “cela a produit des objets à habiter standardisés, implantables n’importe où, mal agencés, dotés de couloirs trop grands et de pièces inaménageables” explique Emmanuel Person, architecte et dirigeant de l’atelier d’architecture Brenac & Gonzalez & Associés.
Avec l’épisode du Covid et les confinements qui en ont découlé, beaucoup de gens se sont aperçus que cohabiter avec les membres de sa famille tout en télétravaillant dans des appartements ne fonctionnait plus. “ Enfermés chez eux, les architectes ont pu reprendre leur souffle et questionner la notion du home sweet home. Ils ont vu qu’il y avait une opportunité à saisir pour impulser une nouvelle dynamique” détaille Emmanuel Person.
Ce contexte a conduit l’ensemble de l’écosystème de la production architecturale à s’interroger sur comment rehausser encore un peu plus ses exigences en matière de qualité et de fonctionnalité des logements. Dès lors, comment redonner au logement ses lettres de noblesse ? Comment mieux le concevoir et mieux le fabriquer ? Réponse avec Emmanuel Person, architecte et dirigeant de l’atelier d’architecture Brenac & Gonzalez & Associés.
« Aujourd’hui, nous veillons à ne pas concevoir de logements qu’on ne voudrait pas habiter nous-mêmes. Il faut adresser la question de l’espace, de la lumière, du rapport à l’extérieur, de la connexion avec l’environnement, les services, les axes de circulation, les autres logements. Il faut faire cohabiter tout cela ensemble de manière spécifique. »
Pour briser les codes, il faut donc changer de méthode. Le préalable pour tout architecte doit être d’aller visiter le site, d’identifier les spécificités du lieu, car c’est qui va lui offrir la possibilité de mettre en place des stratégies et des adaptations. Le travail de conception revient ainsi à faire entrer en résonance un projet de construction avec un contexte historique et sociétal.
Autre évolution, il s’agit d’adopter une démarche davantage collaborative, car c’est ce qui garantit un meilleur résultat à l’arrivée. « Le développement d’un projet doit être opéré par itération avec les différents acteurs qui y participent, car nous fabriquons un ensemble vivant sur lequel personne ne peut travailler de manière isolée. Il faut prendre en compte les collectivités, les aménageurs, les promoteurs, les maîtres d’ouvrage. Dialoguer, échanger, comprendre le besoin de l’autre, aide à trouver des atterrissages. En concevant le projet de cette manière, tout le monde se l’approprie. »
Cette hybridation des savoir-faire et des compétences permet de ne pas répéter les recettes éculées, celles qui ont produit des logements inadaptés aux habitants, et de replacer l’individu au cœur du processus de conception.
Pour bien concevoir et bien construire, il faut nécessairement partir des besoins et des usages. « Ce qui m’a toujours perturbé, c’est que quand des particuliers s’endettent au maximum pour acquérir un appartement, ils partent du principe qu’il y aura deux enfants dans une chambre de 9 m² parce qu’ils ne peuvent pas acheter plus. En réalité, ils ont à leur disposition les 9 m² qui leur manquent. Sauf qu’ils ne peuvent pas les utiliser car ils sont disséminés dans l’entrée, dans le couloir, dans une somme d’espaces sous-utilisés qui font au total 12 m²… »
L’enjeu est donc de faire en sorte que chaque m² soit spatialement plus optimisé. Pour y parvenir, il faut élaborer des scénarios d’habitabilité, prendre en compte le mobilier, maquetter de façon plus pertinente. « Dès le début d’un projet, il faut voir comment une famille va y vivre. L’objectif est de concevoir les espaces en fonction des usages. A surface égale, si la cuisine est une alcôve, la salle à manger en est une autre, et le séjour encore une autre, nous fabriquons un espace protéiforme avec fonctions interchangeables. En raisonnant ainsi, on s’aperçoit que pour un appartement de 80 m², on arrive à augmenter la surface de vie de plus de 10 m². »
Tous ces changements font évoluer la conception et déterminent de nouveaux standards de qualité. « Aujourd’hui, le logement n’est plus considéré comme un produit mais comme un lieu de vie », conclut Emmanuel Person.