Crédit : ville de Saint-Dizier
Publié le 26 mai 2022
Temps de lecture : 4 min
Une friche, une histoire
Crédit : ville de Saint-Dizier
Publié le 26 mai 2022
Temps de lecture : 4 min
Cachée de la vue des habitants de Saint-Dizier pendant des siècles et miraculée d’un incendie qui avait ravagé la ville en 1775, une ancienne bâtisse abritant des religieuses, reconvertie au fil du temps en école puis en salles d’arts plastiques, se révèle dans l’attente d’une nouvelle vie. Direction la cité bragarde, en Haute-Marne, qui fait du recyclage urbain sa discipline favorite.
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » disait Lavoisier. Si cette citation n’avait pas été attribuée au célèbre chimiste et philosophe des Lumières, elle aurait très bien pu l’être à Quentin Brière, jeune maire de Saint-Dizier. Son ambition, transformer l’esthétique et la dynamique de sa ville en commençant par la rénovation du patrimoine existant. Lorsque nous descendons la rue Gambetta jusqu’au « cœur Gambetta », l’un des sites du programme de recyclage urbain « Révéler Saint-Dizier », une mystérieuse bâtisse attire particulièrement notre attention. Un porche en pierre, une grande demeure de trois étages et deux bâtiments en retour donnent sur une petite cour intérieure à l’abri des regards. La végétation reprend peu à peu ses droits le long des façades à colombages et des volets fermés.
Tony Vaglio, adjoint à la ville de Saint-Dizier, est intarissable sur l’histoire de ce lieu aux mille vies. « C’est un site assez peu connu des habitants, longtemps caché par de nombreux bâtiments qui ont été détruits ces dernières années, ce qui a d’ailleurs permis de le remettre sur la carte et dans l’esprit des Bragards. » Tout commence en 1717 quand les sœurs Ursulines s’installent à Saint-Dizier et font construire ce bâtiment afin d’y héberger la congrégation et donner des cours aux petites filles. « Le site était alors coincé entre les remparts de la ville, ceux du château et le faubourg de Gigny. Ce n’est qu’en 1775 qu’il a été un peu plus exposé, poursuit l’élu. Cette année-là, un incendie a ravagé la ville de Saint-Dizier dans sa quasi-totalité et ce bâtiment fut l’un des seuls à ne pas avoir été réduit en cendres. Pour la petite histoire, bien connue ici, le feu a pris en pleine nuit dans la boulangerie lorsque le boulanger renversa une lampe à huile sur le sol et déclenchant l’incendie. »
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Par la suite, les remparts du château ont été percés, la Révolution a éclaté, la partie nord du château fut alors progressivement démantelée et le bâtiment des Ursulines devint une propriété de l’État. « En 1806, c’est le maire de la ville qui a racheté la bâtisse pour son compte personnel avant de la rétrocéder à la ville en 1817 qui en a fait une école pour les filles, d’abord religieuse puis laïque à partir de la réforme de 1891. En 1930, le bâtiment est devenu la bibliothèque municipale avant d’accueillir les ateliers de l’association bragarde d’arts plastiques. »
« On a vécu des sacrés moments là-bas » se souvient Régine Gérard, bénévole dans l’association depuis au moins trois décennies. « Dans les années 1980, on était une centaine à nous réunir dans sa jolie cour intérieure pour des activités et des festivités. Pour les animations costumées par exemple, la ville payait le tissu et nous faisions la couture. Aujourd’hui il faut voir ce qu’on a de costumes… on les loue cinq euros la pièce et quelques personnes continuent de nous en emprunter. » En 2017, lorsque l’association a été déplacée dans d’autres locaux, les costumes sont restés à l’étage du bâtiment qui n’était plus chauffé, de quoi faire craindre aux bénévoles de l’association de perdre leurs collections. « Eh bien non, rien du tout ! C’est dire qu’il est sain et sec ce bâtiment, pas une moisissure en quatre ans ! » s’en étonne encore Régine Gérard.
« On est juste à côté du centre-ville sur un bel espace de plus de 12 000 m² et ce bâtiment a un charme fou. Il ne peut y avoir que de beaux projets demain, pourquoi pas en lien avec la jeunesse, l’art et la culture puisque c’est son histoire » s’enthousiasme Tony Vaglio. Le site en friche aujourd’hui pourrait devenir un modèle de recyclage urbain et de réhabilitation de toute une dent creuse de la ville qui bénéficiera demain de la proximité des nouvelles halles couvertes du marché, en cours de construction.
« Aucun projet définitif n’a été acté pour ce bel édifice qui, quoi qu’il arrive, retrouvera de sa superbe dans les années à venir tout en conservant son côté populaire et convivial » précise Tony Vaglio. Il poursuit en résumant l’ambition de sa ville, « on veut ouvrir les sites remarquables de notre ville à tous les habitants de Saint-Dizier, de la Haute-Marne, de la région et rayonner plus au-delà encore ». Pour ça, la ville peut compter sur son patrimoine et sa politique de recyclage urbain. Rendez-vous dans quelques temps pour découvrir l’avenir de cette bâtisse… miraculée.