Publié le 22 août 2022
Temps de lecture : 5 min
Projets
Publié le 22 août 2022
Temps de lecture : 5 min
Dans une des forêts les plus fréquentées d’Île-de-France, à Meudon, les arbres cachent le mystérieux Hangar Y. Construit dans l’axe de la perspective royale dessinée par Le Nôtre, dernier monument de l’exposition universelle de 1878, site de conception, de construction et de tests des premiers dirigeables français puis de plusieurs avions militaires, le bâtiment semble tout droit sorti de l’univers de Jules Verne. Reportage sur son histoire, les prouesses techniques de sa rénovation et son avenir.
Derrière les branchages, à proximité de quelques étangs, la façade en brique rouge du Hangar Y à Meudon apparaît aux promeneurs, face à un grand bassin en contrebas, tel un édifice architectural romantique. Ce patrimoine industriel oublié pendant plus de 40 ans doit retrouver son lustre d’antan grâce à un projet de tiers-lieu dédié à la culture, aux sciences, à l’art et à la gastronomie. Il pourra accueillir jusqu’à 2 500 personnes à l’occasion d’événements, d’expositions ou d’ateliers à destination du grand public ou d’entreprises.
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Construit sur le Champ-de-Mars à Paris pour l’exposition universelle de 1878, désossé puis remonté en partie à Meudon, utilisé en 1884 pour le premier vol de dirigeable en circuit fermé au monde, puis investi par les réserves du musée de l’Air, le Hangar Y a toujours été une invitation au rêve et au voyage. « C’est cet imaginaire que nous devons retrouver, cette poésie, l’univers des romans de Jules Verne qui nous ont tant transportés » confie Denis Larghero, maire de Meudon, qui expose fièrement dans son bureau les planches représentant le Hangar Y de François Schuiten, un dessinateur belge de bande dessinée, auteur des Cités Obscures et de son ami illustrateur Laurent Durieux. Les deux artistes ont créé une sérigraphie originale pour l’exposition La Science à Meudon, présentée au musée d’Art et d’Histoire de de la ville d’août à décembre 2020.
©Musée de l’Air et de l’Espace
« La renaissance du Hangar Y est un événement en tant que tel que nous devons collectivement célébrer. Un événement patrimonial, culturel et d’innovation scientifique majeur pour Meudon et pour le département des Hauts-de-Seine » poursuit le maire. Un renouveau d’autant plus spectaculaire que l’émergence et l’aboutissement de ce projet majeur n’a pas été chose simple. Propriété du ministère de la Culture à partir de 1990, le Hangar Y n’a plus jamais ou presque été l’objet d’une ambition d’envergure par manque de fonds de l’État. En 2014, Didier Gouband, président de Culture & Patrimoine, un groupe spécialiste de la réhabilitation de joyaux patrimoniaux en lieux d’accueil touristiques et événementiels, décide de s’intéresser au site : « la France génère une part conséquente de son PIB dans le tourisme mais nous manquons encore dans certains territoires d’équipements structurants comme le Hangar Y. C’est pourquoi nous avons proposé un bail emphytéotique au ministère de la Culture qui, après quatre années de négociations, a été signé. En réalité, le Hangar Y est le premier projet français issu d’un bail emphytéotique de valorisation à aboutir. Sa réhabilitation est un modèle pour le programme national Réinventer le Patrimoine ».
Après un an de travaux de réhabilitation du Hangar Y et d’aménagement de ses espaces extérieurs, le rez-de-chaussée du Hangar Y sera transformé en hall d’exposition monumental et polyvalent. Il sera possible d’y revivre, entre autres expériences, l’exposition universelle de 1878, dans une scénographie en réalité augmentée, et de découvrir l’histoire du site avec ses dirigeables, le départ des militaires, les premiers tests de la soufflerie de Meudon (un site de l’ONERA situé en bordure du parc du Hangar Y), dans l’axe du Hangar Y et au cœur du pôle scientifique aérospatial… Un bâtiment adjacent pourra accueillir des artistes en résidence et l’école des beaux-arts organisera régulièrement des ateliers pour les enfants. Enfin, le groupe Le Perchoir créera sa première adresse hors de la capitale, face au Hangar Y, au bord de l’eau.
Le Hangar Y en chiffres
9 hectares de parc paysager
3 500 m2 d’espaces d’exposition
23 m de hauteur en façade
200 000 visiteurs attendus chaque année
Autant de « transformations qui révèlent le site sans nuire à son architecture d’origine » souligne Patrick Supiot, directeur général de l’immobilier d’entreprise chez VINCI Immobilier, en charge du projet. « Ce chantier a été d’une complexité technique exceptionnelle afin de rénover, sécuriser et adapter sans trahir la singularité du lieu. Pour preuve, la nef a été rénovée à l’identique, les briques une à une déposées, nettoyées et reposées, la porte monumentale en chêne restaurée, la structure métallique consolidée en atelier. Pour cela, nous nous sommes entourés des meilleurs artisans comme les compagnons de l’entreprise de menuiserie Métier du Bois, qui ont une fine connaissance des techniques de constructions du XIXe siècle ». Cette importance accordée à la préservation du patrimoine existant a également sa vertu écologique. VINCI Immobilier a restauré les matériaux et éléments qui pouvaient être conservés : les briques en façade, la structure, la grande porte… Aux abords du Hangar Y, les végétaux qui n’ont pas pu être soignés ont été recyclés et réemployés pour aménager les cheminements piétons dans les bois. Le projet de transformation ne s’en tient pas qu’au bâtiment. En effet, le paysagiste Christian Fournet a repensé toutes les circulations et les espaces événementiels de plein air tout en retrouvant le tapis vert de Le Nôtre, du hangar à la forêt sans oublier les abords du bassin. « Le réveil du Hangar Y, c’est tout cela. Preuve en est que toutes les infrastructures du passé, comme les idées d’hier, peuvent bénéficier d’un nouvel éclat aujourd’hui » se félicite Denis Larghero.
© Camille Marciano
« Ce projet s’inscrit par ailleurs dans une stratégie d’aménagement du territoire bien plus vaste. Nous avons l’ambition de retrouver la Grande perspective Le Nôtre » explique le maire. Le Hangar Y est situé au niveau des jardins historiques du château de Meudon, détruit dans un incendie en 1871. Depuis le bassin de Chalais, restauré dans la cadre du projet, s’ouvrait une grande perspective royale, dégagée sur 4,5 kilomètres de long et 48 mètres de large. La deuxième perspective est celle de la science, qui s’ouvre depuis la grande soufflerie vers l’Observatoire de Meudon, situé sur les hauteurs de la ville et qui fait l’objet de grandes réflexions pour un réaménagement futur : « un ensemble patrimonial et scientifique unique au monde ! ».
La première tranche des travaux s’achèvera en juillet et l’ensemble sera livré au dernier trimestre 2022 pour une ouverture complète au premier trimestre 2023 mais le site est dès aujourd’hui accessible au public pour se restaurer et boire un verre au Perchoir Y, ou pour assister aux premiers événements comme la fête de la musique. D’ici peu, les 5 millions de promeneurs du bois de Meudon pourront apprécier l’univers anachronique de l’exposition universelle et des dirigeables. Entre histoires anciennes et innovations futuristes, c’est bel et bien au présent qu’il faut désormais parler du Hangar Y.