Urbex : quand les friches fascinent les aventuriers

Urbex friches

L’urbex (pour exploration urbaine) de friches est une passion en évolution perpétuelle Crédit : Timothy Hannem

Temps de lecture : 4 min

Pour Timothy Hannem, l’urbex (pour exploration urbaine) de friches est une passion en évolution perpétuelle qui offre sans cesse son lot de nouvelles histoires. Rencontre avec cet aventurier des temps modernes au détour d’anciennes usines, de châteaux abandonnés, ou d’orphelinats désaffectés…

Aujourd’hui baptisé urbex, le phénomène d’exploration des friches, notamment industrielles, n’est pas nouveau : pratiqué en amateur par des passionnés depuis des décennies, il a pris corps en fédérant une véritable communauté et différentes figures. Cette activité atypique, qui répond à des règles bien établies, a connu une véritable explosion au tournant des années 2000 avec internet et les appareils photo numériques, puis avec l’arrivée de Youtube à la fin de la décennie. Certaines vidéos comptabilisent des millions de vues. 


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« La toile est effectivement devenue une véritable mine d’or pour les ‘urbexeurs’, offrant des photos aériennes, des clichés anciens inédits, des informations diverses à croiser et vérifier sur différents lieux. On s’aperçoit qu’ils ont été enclavés, isolés, ou virtuellement gommés des cartes avec la construction des autoroutes et des nationales, qui ont vraiment cisaillé le paysage et le territoire. On peut ainsi découvrir des usines, des châteaux, des ponts, et beaucoup d’autres endroits rendus inaccessibles. Le fait de s’intéresser à tous ces sites nous donne peu à peu une très bonne connaissance du pays », explique Timothy Hannem auteur d’un blog très suivi et de plusieurs ouvrages sur le sujet.

L’urbex, ou la machine à remonter le temps des friches

« J’ai toujours exploré les lieux comme le font les enfants à côté de chez eux, pour le simple plaisir du frisson. Le phénomène de la maison hantée est quelque chose qui fascine les gens à tout âge. À la fin de mon adolescence j’ai commencé des études d’art appliqué et d’architecture, ce qui m’a incité à encore plus m’intéresser à l’architecture de ces lieux. Pourquoi ont-ils été construits, puis abandonnés ? J’ai commencé l’urbex au tournant des années 1980 et 1990, avant l’explosion d’internet, il y avait beaucoup de mystère dans ces bâtiments. Et au début des années 2000, un énorme changement est survenu car d’un coup, nous pouvions partager autant de photos que nous le voulions ».

Crédit : Timothy Hannem

Il n’est pas rare qu’au fil de ces publications, parfois même des années plus tard, Timothy ait été contacté par des gens ayant eu un rapport personnel avec les lieux visités. Ces derniers lui communiquent des informations introuvables, et vont parfois même jusqu’à les revisiter avec lui pour témoigner de la vie précédente d’endroits insoupçonnés, relégués dans l’oubli par le tournant de la modernité au XXᵉ siècle.

Si certains urberxeurs affectionnent particulièrement les catacombes, d’autres les toitures parisiennes, ou encore les maisons abandonnées, Timothy Hannem s’est toujours intéressé au patrimoine industriel du pays, à son histoire, et à ce qu’il reste aujourd’hui de ces lieux emblématiques dans lesquels le temps semble suspendu : « On connait les châteaux, mais beaucoup moins les usines et le patrimoine industriel, les bâtiments des services publics, les hôpitaux, etc. Je pense par exemple à l’usine Renault Billancourt, que j’ai visitée au début des années 2000. Aujourd’hui il n’y a plus rien, et c’est un patrimoine incroyable. C’est un très bon souvenir d’exploration », raconte Timothy Hannem.

L’exploration urbaine, ses règles et ses codes

La pratique de l’urbex jouant parfois habilement avec les limites de la légalité, Timothy tient à garder une ligne de conduite dans la pratique de sa passion : refusant toute exploration qui s’apparenterait à une violation de domicile, il veille également à ne pas indiquer les noms des lieux dans ses publications, afin que ces endroits ne soient pas vandalisés ni même visités par n’importe qui, par respect pour les éventuels propriétaires. L’urbex étant devenu de plus en plus populaire, il arrive souvent que les responsables de sites laissent des passionnés comme Timothy les explorer : « Ils savent que nous ne sommes pas des voleurs, que nous faisons des photos, que nous accomplissons surtout un travail de mémoire et d’archivage ».

Crédit : Timothy Hannem

L’urbex, un outil d’histoire des friches très apprécié

« J’ai été contacté par une entreprise, pour un site qu’elle réhabilite sur le plateau de Saclay, lui-même en pleine reconstruction, poursuit Timothy. Dans cette zone se trouvait un ancien site industriel, construit à proximité d’un château du début du XXe siècle. Tout le domaine, à l’exception de ce château qui sera bientôt réhabilité, a été progressivement rasé, pour laisser place à un espace vert avec une promenade et différents aménagements extérieurs. J’avais visité ce lieu en 2017 en remontant peu à peu tout le fil de son histoire. Et j’ai été contacté par la société qui s’occupe de cette réhabilitation et par le comité d’agglomération de Paris Saclay, qui voulaient mettre une palissade tout autour du chantier pendant les travaux. Ils m’ont proposé de l’habiller avec mes photos imprimées en grand, pour que les passants puissent découvrir l’histoire du lieu grâce à ces clichés qu’ils n’auraient pas pu trouver ailleurs. Et elles vont peut-être y rester définitivement », se réjouit-il.