Quand les locaux d’activités et les espaces logistiques (re)viennent en ville

Locaux d activites logistique

Temps de lecture : 5 min

Décarboner le dernier kilomètre, recréer des emplois à proximité des lieux de vie, lutter contre l’étalement urbain…  Autant d’enjeux qui favorisent actuellement le retour des locaux d’activités et des espaces logistiques en ville. Explications.

    Les informations clés

  • La logistique génère une part importante des emplois urbains, avec 8 % des emplois franciliens liés à ce secteur, et les effectifs vont continuer à croître selon une étude d’Opco Mobilités.
  • Les locaux d’activités deviennent eux aussi un élément de plus en plus marquant du paysage urbain, avec 36 000 hectares qui leur sont dévolus en Ile de France.
  • Pour accompagner cette évolution, optimiser les flux et réduire les émissions, des projets se développent en ville ou juste à proximité comme l’Hôtel logistique urbain de Lyon, le Parc des Aiguilles près de Marseille et la reconversion d’anciens sites industriels en région parisienne.
  • La réhabilitation des friches et des parkings inoccupés en zone dédiée aux locaux d’activité et à la logistique répond à l‘exigence ZAN et au modèle de la ville du quart d’heure, en créant des espaces de stockage stratégiquement situés.

Alors que l’explosion du e-commerce a considérablement augmenté le volume des livraisons à effectuer dans les grandes agglomérations, avec des millions de produits à acheminer chaque jour, les entreprises doivent renforcer le maillage de leurs centres de conditionnement et de gestion des flux de marchandises pour pouvoir faire face à la demande. En 2023, selon l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme), 38 nouveaux sites logistiques ont été construits dans le Grand Paris, représentant une superficie d’ 1 004 500 m² qui viennent s’ajouter aux 4 347 646 m² déjà existants. A Lyon, ce sont désormais 200 000 livraisons qui sont effectuées quotidiennement grâce aux 4,5 millions de m² d’entrepôts que comptent la métropole. À Lille, à Marseille, à Bordeaux, les infrastructures dévolues à l’entreposage et au transport de biens de consommation deviennent chaque année plus nombreuses.


À lire aussi :


Les locaux d’activités, qui hybrident production de biens de consommation, transformation de produits finis, stockage de marchandises, bureaux et parfois showrooms, connaissent eux aussi une dynamique ascendante. En région parisienne, plus de 92 millions d’euros ont été investis en 2023 sur des parcs d’activités franciliens au cours de 9 premiers mois de l’année, soit 42 % du volume global investi en immobilier industriel, selon les chiffres du groupe CBRE, spécialisé en immobilier d’entreprise. En 2024, toujours en région parisienne, la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris – Île-de-France dénombrait, 1413 Zones d’Activité Economique répartis sur une surface de 36 000 hectares, soit 3% du territoire, qui accueillait 124 000 entreprises.

A l’échelle nationale, les espaces logistiques et les locaux d’activité constituent une nouvelle brique de la fabrique de la ville car ils nécessitent toujours plus de constructions, d’aménagements et de réhabilitations qui doivent s’insérer dans le tissu urbain pour répondre aux besoins des populations. Dès lors, comment adresser correctement cet enjeu ? Quels sont les projets les plus pertinents ? Où et comment prennent-ils forme ?

Le retour des locaux d’activités en ville pour répondre aux attentes environnementales

Pour les collectivités territoriales et les municipalités, le retour des locaux d’activités et des espaces logistiques en ville représente un moyen d’optimiser les flux de marchandises, d’accompagner les processus de réindustrialisation et de stimuler l’activité économique en créant de nouveaux emplois. Selon les chiffres de l’Insee, 347 600 personnes travaillent directement ou indirectement dans ce secteur à Paris, ce qui représente 8 % des emplois franciliens. A Brest, la logistique concerne 6580 professionnels qui effectuent 171 000 livraisons chaque semaine. A Lyon, 10 % des actifs exercent cette activité. Selon l’étude Logistique à l’horizon 2030 réalisée par Opco Mobilités, deux tiers des entreprises françaises de stockage et de transport anticipent une croissance de leurs effectifs dans les années à venir.

Ce n’est pas le seul bénéfice de ce phénomène car la densification des infrastructures de logistique urbaine offre également la possibilité de répondre plus efficacement aux attentes environnementales : ZAN (zéro artificialisation nette) qui limite l’artificialisation de nouvelles terres à l’horizon 2050, reconversion de friches industrielles polluées et artificialisées, renaturation, reyclage urbain, décarbonation des flux de marchandises, optimisation des trajets domicile-travail… Autre avantage, la redynamisation de l’activité économique au cœur des métropoles épouse les principes de la « ville du quart d’heure ». Ce modèle de quartiers durables et mixtes, où on peut habiter, travailler et bénéficier de commerces de proximité, mise sur la proximité pour décarboner les mobilités, et produire un modèle urbain plus apaisé. Et pour accélérer le mouvement, l’implantation de nouvelles activités en ville apporte des bénéfices à la la fois économiques et écologiques.

Redynamiser l’économie locale

C’est notamment un moyen pour créer ou réimplanter des emplois. Aux portes de Marseille, à Ensuès-la-Redonne, le groupe Barjane, spécialisé en immobilier logistique et industriel, a mené en début d’année un chantier de réhabilitation du Parc des Aiguilles, une friche qui était jusqu’ici dévolue au stockage des déchets et des ordures ménagères. Ce projet a permis de créer 170 000 m² de bâtiments logistiques pour Decathlon et Action, exemplaires sur le plan environnemental et attractifs sur le plan économique, tout en générant 600 nouveaux emplois.

A La Ciotat, c’est un délaissé de l’autoroute A5 qui a été mis à profit pour construire le Volsky Center, un local d’activités de 4 568 m2 qui sert de site de stockage et de siège social à la société Castelli, le distributeur des pâtes Rummo en France.  

Autre projet d’envergure, cette-fois ci dans la capitale, la société Bright House ouvrira un hub logistique de 18 000 m² en mars 2025 sur les Champs-Élysées qui accueillera les stocks des magasins environnants et fera office de point relais ouvert 24h/24 pour le e-commerce.

Décarboner et désartificialiser

Les bénéfices sont également environnementaux. À Lyon, l’Hôtel logistique urbain de Lyon (HLU), construit en 2023 sur le port, optimise les flux de marchandises entrant dans la ville et réduit les émissions de CO2 du dernier kilomètre grâce à 29 000 m² de bâtiments déployés sur 4,9 hectares de terrain.

Même dynamique vertueuse à Marly-la-Ville, en région parisienne, où l’ancien site industriel qu’occupait L’Oréal a été transformé en plateforme logistique innovante pour l’entreprise d’électronique Exertis et le groupe textile SMCP. Cette mue a été opérée en faisant appel à l’économie circulaire et en désartificialisant les sols. Le béton et les parties métalliques des bâtiments préexistants ont été réutilisés dans les nouvelles constructions, tandis que la pleine terre a été réintégrée sur la majeure partie du terrain.

Par ailleurs, miser sur la verticalité permet de renforcer la sobriété foncière. Sur le port de Genevilliers, à quelques encablures de Paris, l’entrepôt Paris Air2, conçu par une filiale du groupe Segro, est un bâtiment de 63 000 m2, distribué sur plusieurs étages,  qui superpose les usages, à la fois hub de distribution et local d’activités.

Accélérer le recyclage urbain

L’objectif est également de donner une seconde vie au foncier inusité. Avec la baisse du nombre de voitures dans la plupart des métropoles, c’est notamment le cas pour les parkings. En 2022, à Paris, Sogaris a lancé un ambitieux projet de transformation d’un ancien parking de 1600 m² situé rue du Grenier Saint-Lazare pour en faire un espace de stockage sur plusieurs niveaux qui offre de nouveaux services logistiques aux habitants du quartier. Plus récemment, en octobre 2024, Indigo, qui gère 2,4 millions de places de stationnement dans le monde et Corsalis, un acteur de l’immobilier spécialisé dans la restructuration des immeubles vides et des locaux désaffectés, ont annoncé le début des travaux pour transformer un ancien parking situé à Bercy en espace de logistique urbaine de 2 040 m².

Avec le retour des locaux d’activités et des espaces logistiques en ville, un modèle urbain dense et productif prend forme, gage à la fois d’un meilleur dynamisme économique, d’une gestion optimisée du foncier, et d’une répartition plus égalitaire des services au sein des territoires.