Publié le 03 oct 2024
Temps de lecture : 7 min
Tendances
Publié le 03 oct 2024
Temps de lecture : 7 min
À l’image du village des athlètes des Jeux Olympiques conçu pour offrir un confort thermique optimal en 2050, de plus en plus de logements anticipent les épisodes caniculaires à venir. Grâce à l’expertise des ingénieurs bioclimatiques et d’autres acteurs du secteur, des solutions sont mises en place pour garantir durabilité et bien-être pour les usagers.
Les informations clés
Plus fréquentes, plus intenses. Les vagues de chaleur qui jalonnent nos étés seront monnaie courante à l’horizon 2050, et la canicule de 2003, souvent citée en référence, aura probablement connu des « petites » sœurs critiques d’ici là. Bien que des disparités de prévisions existent selon les experts chargés d’évaluer les différents scénarios possibles, il ne paraît plus inconcevable d’imaginer une France à +4°C dans un quart de siècle. Cette hypothèse, si elle se produit, aura forcément un impact sur la manière de concevoir, construire et réaménager les bâtiments résidentiels. « Une France métropolitaine à +4°C, c’est un chiffre cohérent avec les prédictions d’un monde à +2°C, explique Franck Boutté, à la tête de l’atelier éponyme, agence d’ingénierie et de co-conception environnementale qui accompagne les acteurs de l’immobilier et des territoires. La France connaît un risque de réchauffement plus important que la moyenne mondiale, en partie dû à son imposante façade méditerranéenne. »
L’expert, Grand Prix de l’urbanisme 2022, incite d’ailleurs les interlocuteurs de l’immobilier et les collectivités qu’il conseille à développer une approche prospective de leurs projets, afin qu’ils intègrent dès aujourd’hui des solutions, qu’elles soient architecturales, spatiales, techniques ou d’équipement, visant à atténuer l’impact du réchauffement climatique dans 50 ou 100 ans. Il arrive même que ces acteurs travaillent en collaboration avec Météo-France dans le cadre de leur stratégie d’anticipation. « Hélas, tempère-t-il, nombre d’opérateurs ont d’abord pour impératif de livrer le bâtiment dans le respect de leur budget et des délais. On me dit souvent : effectivement, votre réflexion est intéressante, oui, penser en amont à l’habitabilité d’un bâtiment en 2050 va dans le sens de l’histoire, mais il y a une contrainte de coût. Et je ne peux que constater que la mise en œuvre réelle des projets n’est pas encore au niveau ambitions affichées par de plus en plus d’acteurs. »
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Pourtant, les ambitions environnementales des nouveaux appartements sont très largement attendues des Français et les préoccupations les plus fortes portent sur une conception de logement permettant notamment d’être protégé des vagues de chaleur : 95 % des répondants à l’étude menée par Kantar en 2022 pour VINCI Immobilier sur le logement de demain considèrent ce sujet comme important, dont 73% le juge même indispensable. Une aspiration qui a renforcé l’intérêt pour un sujet chez les acteurs de la construction : la recherche du confort d’été. Ce dernier recoupe, en résumé, la capacité d’un bâtiment à rester agréablement habitable lors d’un épisode de chaleur intense. Directrice au développement durable et à l’innovation chez VINCI Immobilier, Hélène Lohr confirme que cette notion est en train de gagner du terrain auprès de ceux qui conçoivent les logements de demain. « Ces 3 dernières années, nous avons été mobilisés avec nos bureaux d’étude sur l’adoption des nouveaux enjeux réglementaires liés au calcul carbone des projets. Maintenant que cette étape est pratiquement acquise, la profession s’intéresse de plus près au confort d’été, qui est également mieux pris en compte dans la RE2020. En revanche, à l’exception du climat méditerranéen, l’objectif règlementaire de confort d’été reste insuffisamment ambitieux à nos yeux, et nous nous efforçons d’aller beaucoup plus loin sur nos opérations. » Plusieurs leviers peuvent alors être envisagés pour réduire l’impact de la chaleur dans les logements.
Faire du frais avec du vieux pour adapter son logement au climat de 2050
Travailler sur l’orientation et la protection efficace des fenêtres, créer des logements traversants et intégrer des occultants perméables (pour favoriser la ventilation naturelle et une meilleure circulation de l’air, notamment la nuit quand l’air fraîchit), jouer avec la hauteur sous plafond pour que l’air chaud s’y concentre sans déranger les occupants… Voici quelques-uns des dits leviers. « Il est aussi possible d’imaginer une architecture qui permettrait à un édifice de produire sa propre ombre, et même ses propres courants d’air frais, en jouant avec les cours d’eau à proximité, assure Franck Boutté. Pour la matière, il est possible de miser sur l’inertie dans le cas d’une amplitude thermique jour/nuit conséquente, grâce à des matériaux à même de ‘stocker’ de la fraîcheur la nuit pour le restituer pendant la journée. » De leur côté, les habitants, qu’ils soient propriétaires ou locataires, recherchent principalement des logements bien protégés du soleil, avec une bonne circulation de l’air et des solutions de rafraîchissement passives. Les toitures végétalisées et les espaces verts sont particulièrement prisés, tout comme les technologies de ventilation naturelle qui permettent de réduire la dépendance à la climatisation, au coût carbone et énergétique certain.
Parmi les exemples de projets résidentiels s’inscrivant dans cette logique, le quartier Fréquel-Fontarabie à Paris (sur lequel a travaillé l’Atelier Franck Boutté pour l’un des lots, avec LAN) ou celui du Village des athlètes. Le premier est un projet de rénovation urbaine qui intègre des toitures végétalisées, des matériaux à forte inertie et des systèmes de ventilation naturelle et de rafraîchissement passif, alors que l’orientation des bâtiments a été pensée pour maximiser l’ombre et la circulation de l’air. Dans le cadre du village des athlètes de Paris 2024, les porteurs du projet (Solideo) ont exigé une simulation de la vie de l’immeuble sous un scénario de température de 2050 et renforcé les mesures de protection solaires pour toutes les chambres qui ne répondaient pas à leur cahier des charges (26°C ou +6°C par rapport à l’extérieur)
Il serait toutefois erroné de croire que le confort d’été ne nécessite que des technologies ultra-modernes. C’est même plutôt l’inverse. « La construction neuve actuelle n’est pas connue pour être le meilleur rempart contre la chaleur estivale, elle a fait d’énormes progrès pour garder la chaleur et optimiser l’énergie l’hiver, note Hélène Lohr, mais confort d’hiver-confort d’été sont des stratégies qui se contredisent parfois. À l’inverse, nous avons tous l’image de la maison de la grand-mère avec ses persiennes ajourées et ses murs en pierres, qui restait bien fraîche quand le soleil cognait dehors… Nous verrons émerger dans les années à venir une plus grande diversité de protections solaires, par rapport au volet roulant qui équipe aujourd’hui la quasi-totalité de la production de logement neuf. Et certes on ne construit plus des murs de 50 centimètres aujourd’hui, mais sur ce sujet, le béton a encore son mot à dire car, comme les pierres d’antan, il offre une bonne inertie. Il y a une inspiration à trouver dans les constructions traditionnelles, en particulier des climats plus chauds, et une réinterprétation possible pour le neuf, afin d’arriver à des niveaux de confort pour toutes les saisons. » Un postulat que partage également Franck Boutté, qui cite en exemple les arcades iconiques des villes du pourtour méditerranéen : « Un système qui permet aux passants de longer des bâtiments en étant toujours à l’ombre et à l’abri en cas de pluie, rappelle l’expert. L’arcade a un peu disparu de la conception contemporaine, mais rien n’interdit de décliner ce principe à l’échelle d’un îlot ou même d’un bâtiment, par des ajouts sur les façades. » Ces derniers permettraient, le cas échéant, d’éviter que les surfaces vitrées ne soient la cible directe des rayons de soleil pendant la période chaude de la journée. Une idée fraîche pour affronter les canicules de demain.
Helsinki, un programme pionnier pour le confort d’été dans le Sud de la France
Fondateur de Protherm Consult, Maxime Guindolet est d’un naturel optimiste quand il s’agit d’évoquer le défi de l’adaptation climatique pour le secteur de la construction. « Garantir le confort d’été d’un bâtiment qui sera livré dans plusieurs années n’est pas un exercice facile. Mais en tant que bureau d’études, nous sommes là pour trouver des solutions. » Basée au Roquebrune sur-Argens (Var), sa société travaille régulièrement avec les équipes de VINCI Immobilier Et notamment, cette année, dans le cadre du programme Helsinki à La Seyne-sur-Mer dont le dossier de consultation a été bouclé courant juillet. Les premiers travaux étant prévus pour octobre, avec une durée de chantier estimée à 18 mois.
Erigé sur un terrain détenu par VINCI Immobilier, ce projet prévoit la construction de 100 logements répartis sur trois bâtiments, avec différentes orientations. Il a fait l’objet d’un travail spécifique sur le plan thermique. « Une simulation de type RE 2020 a révélé des non-conformités réglementaires pour ce programme. Des solutions ont donc été mises en place pour améliorer le confort d’été et répondre aux exigences réglementaires, explique Maxime Guindolet. La gestion des occultations, notamment via des volets roulants de la détection crépusculaire, s’est révélée cruciale pour atteindre nos objectifs. Le choix de proposer un mix de logements traversants et de logements non traversant s’est également imposé. Dans le cadre d’Helsinki, la répartition est de 60 % non traversants et 40 % traversants. »
Le projet a également servi de terrain de jeu à une étude de sensibilité complète qui visait à identifier les solutions les plus efficaces en vue de les généraliser. « Nous nous sommes appuyés sur ces travaux de conception en cours et sur la compétence du bureau d’études, qui connaît très bien le sujet du confort d’été, raconte Hélène Lohr, directrice au développement durable et à l’innovation chez VINCI Immobilier. Objectif : passer en revue des solutions moins habituelles, comme les brasseurs d’air, faire varier la couleur des façades et de la toiture, les occultants et vitrages, ou encore ajouter du végétal, et modéliser leur bénéfice sur le confort d’été du bâtiment, que nous avons « déplacé » virtuellement sous différentes géographies. Un travail extrêmement riche d’enseignements qui permet de cibler les meilleures solutions par climat et servira à d’autres projets partout en France. »
En assurant la qualité de vie – à toute saison – de ses futurs occupants lors de sa livraison début 2026, le programme Helsinki préfigure donc les bonnes pratiques à suivre en matière de confort d’été à l’avenir.