Publié le 20 juin 2024
Temps de lecture : 5 min
Interviews
Publié le 20 juin 2024
Temps de lecture : 5 min
Paris Saclay Spring, Twin 2030, Urba(IA)… Le territoire de Paris-Saclay multiplie les initiatives en matière d’innovation. Et nombre d’entre-elles impactent directement et concrètement l’aménagement du territoire. Explications avec Grégoire de Lasteyrie, président de la communauté d’agglomération Paris-Saclay.
Les informations clés
Grégoire de Lasteyrie : Il faut d’abord rappeler que l’innovation est pleinement au cœur de la dynamique de notre territoire. On peut même dire que c’est l’un des marqueurs – peut-être l’ADN – de l’agglomération. Quand on pense innovation, on pense évidemment à notre pôle d’innovation du plateau de Saclay (« projet de Silicon Valley à la française »), qui se situe dans le top 8 mondial et qui représente aujourd’hui 15% de la recherche publique et privée française (3 universités, 9 grandes écoles, 65 000 étudiants, 7 instituts de recherche, 10 000 chercheurs et professeurs…).
Mais, en réalité, la dynamique de l’Agglomération va bien au-delà de ce qui se passe sur le plateau et c’est sans doute cela qui fait sa singularité. Ceci grâce à la vitalité économique de l’ensemble du territoire de l’agglomération, avec plus de 25 000 entreprises de tous secteurs, la présence de très grands groupes emblématiques, et un nombre croissant de start-up et de PME… Je pense que l’on peut dire que l’innovation au sein de l’agglomération Paris-Saclay est d’abord un état d’esprit !
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Grégoire de Lasteyrie : Dans la manière dont nous concevons et organisons l’aménagement du territoire. D’abord, au travers d’une réelle logique de coopération et de partenariat entre les différents acteurs du territoire (promoteurs, développeurs, collectivités, start-up…) que nous avons su insuffler. C’est un atout considérable pour mettre en place et diffuser des procédés nouveaux, notamment en matière de consommation énergétique, de sobriété et de matériaux propres.
S’ajoute à cela le développement de « l’open innovation », avec l’intégration dans la commande publique des clauses intégrant des solutions innovantes. C’est ce que nous avons fait sur plusieurs opérations importantes qui ont eu lieu sur l’agglomération, via notre Établissement Public d’Aménagement ou pour des opérations d’initiative privée (Spirit, Data4, le Central…). La généralisation de pitchs innovation font émerger des solutions techniques promues par de nouveaux acteurs créatifs.
Enfin dernier volet, c’est bien sûr l’utilisation de l’intelligence artificielle comme base de nouveaux outils de planification urbaine et d’aménagement de l’espace. Ils concernent de plus en plus de domaines (optimisation énergétique, rationalisation des mobilités, simplification procédurale…) qui vont profondément révolutionner dans les années à venir notre conception des politiques d’aménagement !
Grégoire de Lasteyrie : Twin 2030 est la deuxième étape d’un processus commencé en 2018 avec le projet « Decarbonized City », piloté par l’Agglomération, et qui visait à développer un jumeau numérique simulable à vocation environnementale. Paris-Saclay a été en effet l’une des premières collectivités franciliennes à démarrer un plan climat (PCAET) et nous avons cherché, dans ce cadre, à imaginer de nouveaux outils permettant d’avancer concrètement sur le chemin de la décarbonation. D’où l’idée de ce jumeau numérique permettant de faire des simulations précises de la consommation énergétique de projets urbains.
Avec Twin 2030, nous sommes passés à la vitesse supérieure : en partenariat avec un consortium d’une trentaine d’organisations publiques comme privées, nous avons étendu la portée de notre jumeau numérique pour en faire un outil d’aide à la décision et de pilotage dans de nouveaux domaines dont l’aménagement, la mobilité et l’économie circulaire. Mais toujours avec l’objectif de réduction des consommations énergétiques et de décarbonation. Twin 2030 a permis notamment d’initier de nouvelles « briques opérationnelles », avec par exemple un démonstrateur des électro-mobilités avec l’IRT-System X, la mise en place d’un tableau de bord du PCAET… et évidemment Urba(IA).
Grégoire de Lasteyrie : L’idée de base du projet Urba(IA) – que nous avons déposé dans le cadre d’un appel à projet France 2030 – est d’utiliser l’intelligence artificielle dans l’analyse des demandes d’urbanisme pour éclairer les services compétents sur les contraintes techniques et normatives pour faciliter l’analyse et la prise de décision. Cela facilite le travail des maires et de leurs équipes techniques pour construire et faire évoluer leurs documents d’urbanisme dans un contexte réglementaire de plus en plus complexe : ZAN, Sdrif-e … Ce faisant, Urba(IA) va permettre d’engager un dialogue plus qualitatif avec les différents acteurs des projets d’aménagement.
D’abord, en permettant de gagner du temps ; ensuite en disposant d’éléments d’analyse plus rapidement opposables ; en permettant enfin une meilleure visualisation des projets les plus pertinents (notamment en termes d’impact environnemental). Cela va fluidifier l’information et la diffusion de données entre les collectivités, les développeurs et promoteurs, ainsi que les citoyens. Chacun appréhendera plus aisément les projets et leurs implications concrètes. Urba(IA) va générer une dynamique vertueuse, voire une boucle récursive, qui sera au final un « plus » pour le dialogue public/ privé/ citoyens.
Nous pensons de manière plus large que l’intelligence artificielle peut nous aider à changer profondément notre manière de concevoir l’urbanisme, dans une logique de plus grande efficience, de mieux-être collectif et de préservation écologique.
Grégoire de Lasteyrie : La transition écologique nous impose de repenser la ville : ce qui implique entre autres de réduire l’étalement urbain, de modifier nos matrices énergétiques et de revégétaliser. Et nous devons agir vite compte-tenu de l’urgence climatique. C’est un sujet complexe, qui suppose également de prendre en compte les évolutions en cours dans l’économie et le monde du travail. De manière générale, élus et urbanistes s’accordent pour penser un nouveau modèle qui se place à l’échelle de l’individu et qui imagine une ville disposant de capacités de production énergétique en propre. Cela conduit à imaginer une nouvelle conception de l’immobilier, appelé souvent immobilier 4.0. Et de ce point de vue, l’innovation peut nous permettre – notamment grâce aux capacités de simulation et de modélisation de l’IA – d’aller plus vite et d’agir avec plus de pertinence.
En ce qui concerne l’Agglomération Paris-Saclay, nous cherchons à concilier le besoin de logements et l’objectif ZAN en faisant le choix d’un immobilier plus sobre et plus intelligent. Cela suppose, d’une part, de construire avec des objectifs ambitieux sur la qualité des bâtiments (efficacité énergétique, utilisation des matériaux biosourcés, recours aux énergies renouvelables comme la géothermie…) avec des constructions économes en espaces. D’autre part, il faudra favoriser « l’urbanisme circulaire », ce qui veut dire garder et transformer (et donc privilégier aussi la réhabilitation)… Et sur ce point, nos outils de simulation et de modélisation vont jouer un rôle essentiel.